LE SECRET DE LA CREATION MATERIELLE

 

La Matière n'est pas tout, l'analyse n'est pas tout. Par l'analyse matérielle, vous pouvez prouver que l'homme est un agglomérat d'animalcules, et c'est ce que le matérialisme s'obstine doctement à vouloir prouver ; mais jamais l'homme ne consentira à se voir comme un simple amas de particules, car il sait qu'il est plus que cela. Par-delà l'analyse, il cherche la synthèse ; au cœur de la maison, il cherche l'Habitant ; derrière les parties, il cherche ce qui les tient ensemble. De même pour l'Air, qui n'est qu'une des manifestations de Matarishwan propre à cette terre, une des demeures où il habite.

      Matarishwan est dans tous les mondes et construit tous les mondes ; il possède d'innombrables demeures. Le principe de son être est le mouvement manifesté matériellement, et nous savons que c'est le mouvement qui rend la création possible. Matarishwan est donc le Principe de Vie, l'océan universel du Prana qui imprègne tout, et en l'homme sa manifestation la plus importante est la force qui préside à la distribution des gaz dans le corps, que nous appelons respiration, ou Souffle.42

 

Selon l'hypothèse matérialiste, la conscience doit être le résultat de l'énergie dans la Matière ; c'est la réaction de la Matière, ou un réflexe qui se produirait en elle-même, une réponse de la substance chimique inconsciente et organisée aux contacts extérieurs ; et cette substance inconsciente, par quelque sensibilité des cellules et des nerfs, devient alors inexplicablement consciente de ce qui a été enregistré. Si une telle explication est valable — à condition d'admettre l'impossible tour de magie que serait la réponse consciente d'un inconscient à l'inconscient — pour les actions sensorielles et

    



réflexes, elle devient absurde si nous essayons d'expliquer de cette façon la pensée et la volonté, l'imagination du poète, l'observation attentive du scientifique, le raisonnement du philosophe. On peut, si l'on veut, l'appeler une opération cérébrale mécanique, mais un simple mécanisme de la matière grise du cerveau ne saurait expliquer ces choses ; une glande ne saurait écrire Hamlet, ni la matière cérébrale élaborer un système de métaphysique. Il n'y a aucune équivalence, aucune parenté, aucune correspondance apparente entre la cause ou l'instrument supposés, d'une part, et, d'autre part, l'effet obtenu et le processus observable. Il y a entre les deux un abîme qui ne peut être comblé par quelque affirmation tranchante, franchi d'une enjambée par conjecture ou d'un bond vigoureux par la raison ergoteuse. La conscience et la substance inconsciente peuvent être reliées l'une à l'autre, elles peuvent s'interpénétrer, agir l'une sur l'autre, mais elles sont et demeurent deux choses opposées, sans commune mesure, fondamentalement distinctes.43

 

      Quand la Science, au lieu de suivre par analyse le cours de la Nature en remontant vers sa source, résolvant l'élément solide en élément fluide, le fluide en l'élément feu, le feu en l'élément air, commencera à en descendre le cours, imitant ainsi les processus de Prakriti, et surtout quand elle étudiera et utilisera les étapes de transition critiques, alors le secret de la création matérielle sera résolu, et la science sera capable de créer de la vie matérielle au lieu, comme elle le fait aujourd'hui, de simplement la détruire.44

 

Une Ignorance multiforme qui s'efforce de devenir une Connaissance qui embrasse tout, telle est la définition de l'homme, l'être mental.45